Depuis septembre 2016, notre Syndicat du Bâtiment et des Travaux Publics de la Gironde a déposé une section syndicale chez Daney Constructions Métalliques, une première dans cette entreprise située à Savignac, en Sud Gironde.
> Interview
Entretien avec Christophe (Représentant de la Section Syndicale CNT-Daney) et Nino (Délégué du Personnel chez Daney et militant CNT).
Christophe, peux-tu nous présenter la SARL Daney ?
C’est une entreprise familiale d’une quarantaine d’années, construisant depuis 25 ans des structures métalliques pour les bâtiments industriels. Quand ça tournait bien, c’étaient 150 personnes réparties entre les bureaux, les ateliers et les chantiers.
Malgré une mauvaise gestion, elle est toujours restée active, bénéficiant de soutiens politiques. Ces soutiens s’expliquent beaucoup par le désert local d’entreprises.
Aujourd’hui, il reste 88 salarié(e)s, suite notamment à deux vagues de licenciements économiques et plusieurs ruptures conventionnelles qui sont, on le rappelle, des licenciements déguisés.
Depuis quand la situation a-t-elle commencé à se dégrader ?
On a vraiment pris un coup deux ans après la crise de 2008. Cette année-là, la direction s’est mise à investir à outrance, sans raison valable et sans aucun calcul sur le long terme : achat de nouvelles machines, constructions de bureaux flambants neufs. Nous, on n’en voyait pas l’utilité.
Nino, qu’est-ce qui a motivé la création de cette section syndicale ?
Un ras le bol général depuis plusieurs années, mais surtout, depuis quelques mois les sales coups de la direction s’enchaînent (DP malmenés, mise en place de compteurs d’heures sans respect des délais légaux, etc. ). La goutte d’eau a été la suppression d’une prime équivalente à dix pour cent du salaire brut.
Et comment réagit la direction face à la création de la section ?
Dans un premier temps, elle a raillé notre initiative puis a très vite haussé le ton dès la diffusion de notre premier tract en interne qui dénonçait les stratégies de la direction et essayait d’éveiller les consciences de nos collègues.
Christophe, combien êtes-vous dans la Section syndicale et comment a-t-elle été accueilli par vos collègues ?
Nous sommes plusieurs mais le rapport de force doit rester en notre faveur donc nous tairons le nombre exact. Nous avons aussi beaucoup de sympathisant(e)s qui gravitent autour de nous mais qui hésitent encore à nous rejoindre. Une gestion paternaliste de plusieurs décennies a été jusque-là un frein à l’émancipation de beaucoup de salarié(e)s qui se sentaient protégé(e)s des licenciements abusifs et des diminutions de salaire. La situation actuelle fait que nos collègues en ont plus que marre et commencent à avoir peur.
Quelles sont vos priorités ?
Nous sommes une jeune section sans expérience et ayant tout à construire. L’aide du Syndicat du Bâtiment de Gironde a été précieuse pour l’obtention d’un panneau d’affichage et d’un local pour la Section Syndicale.
Malgré tout, nous avons une revendication à porter rapidement qui consiste à exiger le retrait des 3 jours de carence, ce qui est illégal selon notre convention collective.
Pourtant, il existe un CHSCT(1) et des Délégués du Personnel…
Oui, mais leurs réclamations n’aboutissent pas car la direction est sourde et se braque rapidement. Les relations sont tellement déplorables que l’ensemble des DP viennent de démissionner ; Du coup, il y a de fortes chances que notre section soit représentative aux prochaines élections. Cela devrait nous donner plus de poids.
Quelle est votre stratégie sur l’année ?
Difficile de parler sur le moyen ou le long terme, nous sommes dans le flou le plus total sur l’avenir de l’entreprise. Le mois dernier, ne pouvant nous donner du travail, la direction nous a obligés à rester chez nous pendant trois jours. Nous avons été avertis le jour même ! Cela a eu pour conséquence d’engendrer, sans notre accord, un compteur d’heures à rattraper. Autant dire que des courriers à la DIRRECTE(2) ont fusé.
L’entreprise tourne actuellement au ralenti, c’est très inquiétant. Le bureau d’étude ne sort pas grand-chose, les ateliers sont vides et forcément ça se ressent sur les chantiers.
Au delà de tout ça, on essaie d’avoir une base de revendications commune en mettant en avant le rétablissement de la prime et le retrait des trois jours de carence qui sont fédérateurs.
Nino, qu’est-ce que la Section syndicale a apporté dans les relations entre collègues ?
Bien que l’on ne sache pas combien de temps l’entreprise peut survivre et si elle peut se relancer, il y a des points positifs que l’on peut dégager. Depuis la création de la section, les collègues ne se sentent plus isolé(e)s et viennent nous voir. On discute, on les renseigne, des liens se créent et on les voit plus à même de réagir plus rapidement aux entourloupes de la direction.
La lutte ne fait que commencer, en espérant qu’elle puisse s’installer dans la durée.
La solidarité est une arme !
(1) CHSCT : Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail
(2) DIRECCTE : Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l’Emploi. Anciennement appelée Inspection du Travail.
Le site de l’entreprise Daney Constructions Métalliques dirigée par Franck DANEY